Quel avenir pour le Hard-Discount ???


Le premier problème est que la promesse du hard-discount est en train d’être diluée par la stratégie discount des supers et des hypermarchés. Toutes les enseignes ont tendance à dire aujourd’hui qu’elles sont discount, certaines ont lancé des gammes discount entre la MDD classique et le premier prix (gamme Carrefour Discount), d’autres essayent une politique de “prix bas tous les jours” (Simply Market)… La deuxième difficulté, c’est que le format hard-discount a pris la crise de plein fouet car son cœur de clientèle a, dès fin 2008, baissé ses dépen­ses alimentaires par réflexe de précaution. Résultat : le panier moyen d’un certain nombre d’enseignes hard-discount a baissé. Par ailleurs, la clientèle plus aisée qui aurait pu renforcer les rangs des clients du hard-discount a plutôt bien été retenue par les supers et hypermarchés grâce à leurs stratégies de ­défense “vous trouverez aussi du discount chez nous”. Finalement, la crise a accéléré un phénomène inéluctable : après des années de croissance tirée par l’expansion du nombre de magasins, le format hard-discount doit maintenant ­chercher d’autres moyens de croissance par le panier ou la fréquen­ce d’achat.
Il faut savoir que ce qu’on voit en France aujourd’hui s’est déjà produit en Allemagne il y a cinq ou six ans. L’Allemagne a déjà connu cette bataille sur le panier. D’ail­leurs, dé­sormais, les hard-discounters allemands cherchent à faire acheter davantage aux consommateurs. Aldi et Lidl ont déjà élargi l’offre hard-discount au bio, au snacking, etc., et ce afin de capter plus de clients. Ils ont également travaillé la profondeur de l’offre avec l’intro­duction de marques nationales pour capter plus de besoins clients, des besoins qu’ils ne pouvaient couvrir avant. Les Allemands sont même en train de développer des petits concepts différents, plus axés proxi discount avec beaucoup de services du type presse, tabac, poste. Ils sortent donc du concept historique afin de pouvoir poursuivre leur croissance. Désormais, la pénétration est totale, donc il leur faut capter plus de parts de portefeuille client. Et c’est bien ce que cherchent à faire Edeka, Aldi, Lidl et encore Penny Market en Allemagne.
En France, on constate une certaine réplique dans l’introduction de mar­ques nationales notamment, ce qui permet aux acteurs de capter un trafic qu’ils n’avaient pas auparavant. Ainsi, sur 2008-2009, la croissance de Lidl à magasin comparable s’est faite principalement grâce à l’introduction de marques nationales. Cela dit, ce genre d’action ne peut fonctionner qu’une fois et Lidl devra trouver d’autres relais de croissance dans les années à venir.
Il y a plusieurs scénarios possibles. On peut envisager un retour aux basiques avec recentrage sur le vrai low cost, ce qui permettrait de recréer un véritable décrochage entre le hard-discount et les autres formats de distribution traditionnelle ; c’est la stratégie d’Aldi aujourd’hui en France, qui ne veut pas transiger avec le modèle historique et reste un vrai hard-discounter. Une autre solution pour les hard-discounters serait de développer le super-discount avec une offre nettement plus large afin de couvrir l’ensemble des besoins quotidiens des ménages. L’en­seigne de supermarché Mercadona en Espagne a choisi cette option avec une baisse de 20 % de ses références et un repositionnement sur le “prix bas tous les jours”. Cela lui permet ainsi d’occuper l’espace entre le hard-discount pur et la distribution traditionnelle. On pourrait aussi imaginer que d’autres supermarchés en France développent des concepts similaires.
La troisième solution serait de proposer un concept de hard-discount rénové avec une plus grande couverture des besoins des clients, tout en ne multipliant pas le nombre de références (plus de largeur, moins de profondeur). Cela permettrait de toucher plus de catégories de produits et d’éviter la fuite du client.
Le scénario le plus vraisemblable serait que les hard-discounters développent ces trois stratégies à la fois pour être les plus performants possibles. La stratégie gagnante serait ainsi celle du multiformat discount. Aujourd’hui, dans l’Hexa­gone, ces stratégies ne sont pas encore amorcées. En Allemagne, en revanche, elles sont déjà en test. Aldi et Lidl s’essayent ainsi à de nouveaux formats qu’ils pourraient conceptualiser en Allemagne avant de les diffuser à d’autres pays européens.